Nous publions une seconde série d’articles choisis pour préparer notre débat du mardi 3 mars.
- - l’ »extension » du territoire urbain de Paris,
- - le déclassement mondial de la France en investissements d’infrastructures,
- - les ressorts du débat, les enjeux du logement pour paris,
- - le tandem région/Intercommunalités,
- - les échecs des Métropoles,
- - Paris et la coopération avec l’Yonne,
- - les effets de la loi LOM
…autant de sujets abordés.
Municipales : Villani veut intégrer plus de vingt communes limitrophes à Paris (La Tribune 2020)
« S'il est élu maire de Paris, le candidat dissident d'En Marche créera une "structure de concertation" pour agrandir la capitale d'ici à 2030.
"Agrandir" Paris. Depuis près d'un an, le candidat dissident de la République en marche dans la capitale, Cédric Villani, fait campagne en pensant à l'échelle du Grand Paris. Hier, dans le Journal du Dimanche, le député de l'Essonne s'est déclaré pour "l'instauration d'une seule et même entité administrative et politique" : le "Nouveau Paris".
Cent soixante ans après l'intégration de Belleville, Charonne, Auteuil ou Montmartre à Paris, Cédric Villani dit penser aux 22 communes limitrophes de Paris situées le long du périphérique, qui doivent "devenir de nouveaux arrondissements". Et même 29 "si l'on compte les communes frontalières des bois de Boulogne et de Vincennes". S'agit-il de remplacer l'actuelle Métropole, qui rassemble déjà 131 communes ? "Je suis persuadé qu'un jour le Nouveau Paris s'étendra sur l'ensemble de la petite couronne", répond-il.
Une "structure de concertation" pour les intégrer dans la décennie
D'après lui, s'ils ne souhaitent pas "venir se mettre sous la tutelle parisienne", les maires des communes voisines "admettent que l'agrandissement de Paris va dans le sens de l'Histoire". En cas de victoire, le candidat à Paris créera une "structure de concertation » pour intégrer lesdites communes "dans la décennie 2020-2030". Le Forum métropolitain du Grand Paris, qui regroupe déjà la Région, la Métropole, les départements, les onze établissements publics territoriaux (EPT) et près de 140 communes, pourrait servir de cadre, confirme-t-on dans l'entourage du candidat.
Dans le même temps, à la veille d'une concertation conduite par l'exécutif, Cédric Villani se prononce, comme le candidat Macron, pour "un nécessaire effacement des départements de la petite couronne". Sollicités, les présidents de ces derniers ne répondent pas, mais il y a fort à parier qu'ils s'opposeront à leur disparition. Le marcheur dissident "prône" aussi la possibilité pour les onze EPT qui composent la Métropole "de se transformer en communes".
"Il est venu me voir à Nogent, mais je lui ai expliqué que la centralité était déjà partagée entre Paris et la banlieue", témoigne auprès de La Tribune Jacques Martin, président du territoire Paris Est-Marne-et-Bois. "Il veut se distinguer, il veut faire parler de lui, mais qu'il soit un peu plus sérieux !"
Un plan local d'urbanisme "commun"
Sur le fond, Cédric Villani veut se servir du "Nouveau Paris" pour résoudre la crise du logement, et ce via le vote un plan local d'urbanisme "commun". "On passera ainsi de 2,2 à 3,3 millions d'habitants, de 105 à 182 kilomètres carrés, et donc d'une densité de 20.700 à 18.000 habitants au kilomètre carré", estime-t-il. "Si ce Nouveau Paris avait la même densité que Paris intra-muros, on y logerait 470.000 habitants ".
Son directeur de campagne, Baptiste Fournier, infirme à La Tribune que le PLU "commun" viendrait se substituer aux plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) des onze EPT de la Métropole ainsi qu'au schéma de cohérence territoriale (SCoT) de ladite métropole. Prescriptif, le SCoT est pensé comme le "cadre de référence" pour tous les documents de planification métropolitains : plan métropolitain pour l'habitat et l'hébergement (PMHH), le plan climat air énergie métropolitain (PCAEM) et le schéma d'aménagement numérique.
Un plan d'investissement de 300 millions d'euros
Le candidat aux élections municipales propose en outre un plan d'investissement "à hauteur de 300 millions d'euros" sur la mandature et financé sur le budget de la mairie de Paris. Objectif : co-investir dans des crèches, des équipements sportifs, des logements... "On ne se contentera pas des transferts issus de la péréquation, on financera des projets auxquels on aura réfléchi ensemble", déclare Cédric Villani.
Il en oublierait presque les dizaines de millions d'euros investis par la Métropole ou le fonds annuel de solidarité interdépartemental d'investissement doté de 150 millions d'euros lancé par les sept départements franciliens en octobre 2018. "Ce sera un fonds dédié aux communes limitrophes", insiste son entourage.
Avant tout big bang institutionnel, il faudra toutefois réviser les lois existantes. Son directeur de campagne Baptiste Fournier évoque, lui, le projet de loi de décentralisation, déconcentration, différenciation, qui, selon les sources, devrait être présenté en Conseil des ministres entre l'été et janvier 2021. »
Infrastructures – Pourquoi la France chute dans le classement mondial (Chantiers de France décembre 2019)
« Le dernier classement établi par le World Economic Forum est sans appel pour notre pays qui se classe désormais au 18e rang mondial pour la qualité de ses infrastructures après avoir reculé à la 7e place en 2015. Explications.
Longtemps, la France a caracolé en tête du classement mondial établi par le World Economic Forum pour la qualité de ses infrastructures. En 2012, elle dominait la hiérarchie mondiale, la politique d’innovation et d’investissements dans les réseaux routiers étant présentée comme un modèle du genre. De fait, ce décrochage est la conséquence de plusieurs années de sous-investissement dans un patrimoine à la fois vieillissant, toujours plus circulé et exposé aux conséquences du changement climatique. Résultat : une qualité de service qui se dégrade, sur les routes nationales, départementales ainsi que sur la voirie communale. Au-delà de la gêne pour l’usager, et sans occulter de l’impact sur la sécurité routière, le recul qui traduit une baisse d’investissement dans l’entretien et la modernisation des routes est inquiétant à plus d’un titre.
L’évolution du rang de la France traduit plus de 10 ans de sous-investissement dans le patrimoine existant.
Si la plupart des pays européens voient également leur note se dégrader, à l’instar de l’Allemagne, de la Belgique ou du Royaume-Uni, la France compte parmi ceux qui dévissent de manière la plus spectaculaire. A noter que l’Italie, toujours mal classée, gagne tout de même 29 places pour occuper le 53e rang. Parmi les bons élèves, citons, les Pays-Bas, la Suisse, l’Autriche et le Danemark, respectivement 2,3,6 et 14eme, qui tous améliorent leur situation.
Patrimoine vieillissant
Les infrastructures de transports en général, et les routes en particulier, participent directement de l’attractivité d’un pays. Elles contribuent directement à la création de valeur. Elles assurent également l’accès à l’éducation, à la santé et à la culture. Elles sont donc essentielles à la qualité de vie au quotidien des citoyens et à la vie économique du pays, avec les autres infrastructures.
Avec la route, les infrastructures ferroviaires sont celles qui se dégradent le plus.
A ce titre, le classement du World Economic Forum est sans appel : la France régresse également pour la qualité de ses infrastructures ferroviaires, portuaires et aériennes. De fait, c’est tout le patrimoine, datant pour l’essentiel de l’après-guerre qui est en souffrance. Il est donc essentiel de rétablir la situation en restaurant l’efficacité et la fiabilité de ces réseaux. Les enjeux sont clairs : à l’aune de la transition énergétique et face au défi que pose le changement climatique, il en va de la compétitivité économique de notre pays, mais aussi de la cohésion du territoire. » »
La mobilité urbaine ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt (TRIBUNE Le Monde février 2020)
Répondant à une tribune publiée dans « Le Monde » du 16 janvier, le géographe Guy Burgel estime que l’obsolescence du RER ne résulte pas tant d’un sous-investissement de l’Etat que d’un défaut de réflexion politique globale sur la ville.
« Il faut se réjouir que le législateur ait enfin compris que l’avenir de la ville au XXIé siècle était dans la récupération et la transformation de l’espace urbanisé existant » (RER D à Fontenay-sous-Bois, le 3 décembre 2019).
» L’exceptionnelle durée de la grève des transports, notamment en région parisienne, et la proximité des élections municipales de mars ont ravivé le débat sur les mobilités urbaines, avec ce qu’il comporte d’approximations, d’utopies, ou d’arrière-pensées. Le télétravail a donc une fois de plus été présenté comme une arme absolue, le « tous à vélo » (ou sur trottinette électrique) sur des réseaux de circulation dédiés a été préconisé, la gratuité des transports collectifs (pour les jeunes ou pour tous) a été évoquée.
De même, l’innovation se dissimule parfois sous des sigles abscons (comme le fameux « BHNS », pour « bus à haut niveau de service »). Il est temps de mettre un peu de bon sens dans cette effervescence, en rappelant quelques fondamentaux des déplacements dans la ville.
Le premier est leur motivation. Si les classiques trajets résidence-emploi ont perdu de leur prédominance par rapport aux causalités personnelles (courses, visites, conduite d’enfants, loisirs, etc.), ils n’en demeurent pas moins structurants par leur périodicité dans le temps et l’espace. Mais les conditions ont changé au cours des dernières décennies. L’irrégularité des rythmes s’est installée, avec l’étalement des heures de pointe. »
Dispersion
L’activité féminine a progressé de manière très importante, augmentant dans les ménages les disjonctions entre habitat et travail. La dispersion de la population s’est accentuée, notamment dans les espaces périurbains de faible densité. Les zones d’emploi, surtout tertiaire, se sont considérablement multipliées, intensifiant les itinéraires de banlieue à banlieue plutôt que les mobilités historiques périphérie-centre. »
Élections municipales : le véritable enjeu pour le logement à Paris (Capital 2020)
« En présentant la semaine dernière ses propositions pour le logement, le candidat Benjamin Griveaux a confondu vitesse et précipitation. Le vrai remède à la difficulté d’accéder à la propriété à Paris se trouve dans la décongestion, selon Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des services immobiliers. Et c'est tout l'enjeu du Grand Paris.
Benjamin Griveaux, candidat de la majorité présidentielle à la mairie de Paris, a fait il y a une semaine une proposition tonitruante pour le logement des Parisiens : s’il est élu, ceux qui veulent accéder à la propriété dans la capitale et dont les revenus sont intermédiaires - jusqu'à 6.000 euros de revenus par ménage - pourront bénéficier d’un apport de 100.000 euros pour l’achat de leur appartement.
La mesure vise 20.000 opérations... sur la durée du mandat, soit six ans, quand certains avaient compris qu’il s’agissait d’un seul exercice. Voilà ce que la presse et les commentateurs ont entendu, ou plutôt lu, dans l’interview que Monsieur Griveaux a donnée au journal Le Parisien. La réaction ne s’est pas fait attendre : le risque de catalyse de l’inflation des prix a été immédiatement pointé du doigt par celles et ceux à qui on prête une certaine expertise des mécanismes de marché.
Seulement voilà, Benjamin Griveaux a divulgué les éléments clés de son dispositif de façon incomplète. En réalité, les acquisitions ne seront aidées par le versement d’une subvention que si les biens concernés se négocient à des prix "raisonnables" - le terme employé dans la fiche technique de l’équipe de campagne du candidat -, c’est-à-dire à des prix plafonnés par arrêté municipal. Pour être plus précis encore, il faut dire que la subvention ne pourra excéder 20% du prix d’achat, et que les 100.000 euros qui ont été évoqués seront un maximum.
En clair, on optimisera le recours à l’aide avec un achat de 500.000 euros. Enfin, comment la mesure sera-t-elle financée ? Par la création d’une société foncière, qui fera appel à l’emprunt, et par le remboursement de l’aide et la captation d’une partie de la plus-value de cession lors de la revente du bien, à hauteur du cinquième. Peut-être pour frapper les esprits et faire mouche, le responsable politique a manqué de rigueur et il a pâti de la cruauté de la communication, qui vit dans l’instant : qui a rectifié le jugement de départ, prononcé sur de mauvaises bases ? Qui a exprimé un remords ? En politique comme dans le commerce, on n’a décidément pas une deuxième occasion de faire une première bonne impression.
Plusieurs observations, et un constat général : une campagne électorale est à la fois exaltante et dangereuse. Exaltante parce qu’elle pousse à innover, dangereuse parce qu’elle contraint à communiquer vite et fort, dans une temporalité qui ne sied pas aux constructions solides et raisonnées. On note d’abord qu’une mesure qui a d’abord semblé pousse-au-crime et accélératrice de l’augmentation des prix, parce qu’un critère majeur a été passé sous silence sans doute pour simplifier le message, sera en fait irréaliste : quel propriétaire vendeur à Paris va-t-il accepter un effort financier et cantonner son prix de vente pour que son acquéreur bénéficie de l’aide de 100.000€ promise ?
Il faudrait que 3.500 des quelque 50.000 cédants parisiens chaque année aient cette générosité. Ce n’est pas être misanthrope que de douter que le cœur l’emporte sur l’âpreté au gain, c’est juste constater que le marché n’a pas la sagesse que Monsieur Griveaux lui prête. On peut d’ailleurs le regretter avant lui. Rappelons que dans la capitale les valeurs ont cru de 8% l’an dernier et qu’au moment où s’écrivent ces lignes, elles augmentent encore au rythme d’un pour cent par mois. Ces évolutions désolvabilisent la demande, sans cesse, depuis vingt ans. Rien ne les a ni endiguées ni même ralenties.
On ne s’est pas non plus attardé suffisamment sur l’ingénierie imaginée pour financer les deux milliards que coûtera ou que coûterait la mesure, selon le succès du candidat à l’élection. Vouloir que les propriétaires qui auront reçu l’aide abandonnent une partie de leur plus-value, c’est ébranler un dogme fiscal, celui de la non-imposition de la plus-value de cession de la résidence principale. Le problème n’est pas tant de malmener un axiome que de priver les propriétaires des moyens de poursuivre le parcours résidentiel : la revente est suivie de l’achat d’un bien plus grand ou mieux situé, donc plus cher, et la plus-value est réinvestie.
En l’espèce, percevoir l’aide au début sera une victoire à la Pyrrhus : l’opération suivante sera douloureuse, sinon rendue impossible, dans la mesure où les prix auront certainement progressé à Paris de façon importante. Et puis il y a les arguments constitutionnels : une ville ne peut toucher ainsi aux principes de la fiscalité, qui relèvent du législateur.
Malgré tout cela, approximations, précipitation pour prendre la parole, excessif optimisme ne prenant pas en compte la réalité des ressorts du marché parisien, on rendra à Benjamin Griveaux la justice d’avoir cherché une solution et à ne s’être pas résigné. Mais au fond, le message le plus honnête que les candidats à la mairie de Paris devrait proférer est inaudible : le vrai remède à la difficulté d’accéder à la propriété dans la capitale se trouve ailleurs, dans l’aménagement du territoire et la décongestion de la ville-centre par la création de pôles d’attractivité hors de Paris. C’est l’enjeu du Grand Paris et de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la cohésion des territoires.
Indicible, puisque cela revient à dire qu’on fera des déçus et qu’on ne séduit pas les électeurs en les repoussant hors les murs. C’est pourtant la réalité. La métropolisationne, qui est d’abord la consécration de mégapoles comme récapitulant l’essentiel de l’attractivité d’un territoire, s’accompagne aussi d’un nouvel équilibre à l’intérieur des métropoles. Sans parler des villes moyennes qui tirent leur épingle du jeu et détournent le regard des ménages en leur offrant une alternative de vie crédible, en allégeant ainsi la demande des plus grandes villes de notre pays, Paris en tête.
Dans le programme de chaque candidat qui a pris la peine d’en avoir un pour le logement, on trouverait ainsi des mesures un peu trop promptement dessinées et présentées. Il faut souhaiter qu’à Paris comme partout en France, où des femmes et des hommes de bonne volonté briguent un mandat municipal, le besoin de sortir du lot et d’être remarqué des électeurs n’altère pas la rigueur de la pensée. D’autant qu’un programme n’est pas sans conséquence : il fait naître des espoirs et rien n’est pire que de les décevoir. »
100.000 euros d’apport pour acheter à Paris… la belle usine à gaz de Benjamin Griveaux (Capital 2020)
« Le candidat LREM à la mairie de Paris Benjamin Griveaux propose un apport pouvant aller jusqu’à 100.000 euros pour les ménages achetant leur résidence principale à Paris. Une mesure de justice, selon lui, censée solvabiliser les classes moyennes. Mais les professionnels de l’immobilier restent sceptiques.
Et si la ville de Paris co-investissait avec vous dans votre résidence principale ? C’est l’étonnante proposition formulée ce week-end par Benjamin Griveaux. Dans une interview accordée à nos confrères du Parisien, le candidat LREM à la mairie de Paris détaille son programme, notamment en matière de logement. Alors que les prix ne cessent de grimper dans la capitale (+1% sur le seul mois de janvier), le candidat souhaite donner au coup de pouce aux classes moyennes parisiennes pour acquérir leur logement. “Il faut les aider à devenir propriétaires, tonne-t-il. À Paris, quand vous n'avez pas d'apport, vous ne pouvez pas acheter. C'est la pire des inégalités”.
Sa solution ? Que la ville de Paris - via la création d’une foncière publique - finance un apport pouvant aller jusqu’à 100.000 euros pour l’achat de sa résidence principale. “L’équivalent d’une chambre pour une famille qui s’agrandit”, calibre Benjamin Griveaux. Une sorte d’avance, qui devra ensuite être remboursée à l’organisme, au moment de la revente du logement. Le dispositif, pensé pour concerner quelque 20.000 opérations au cours de la mandature, visera exclusivement les ménages issus des classes moyennes, ceux gagnant trop pour prétendre à un logement social, mais pas suffisamment pour acheter à Paris.
Des plafonds de ressources sont en cours d’élaboration et devraient vraisemblablement se caler sur les seuils du logement intermédiaire - soit environ 6.000 euros par mois pour un couple avec un enfant, par exemple. Le chèque sera ensuite limité à 20% du prix d’acquisition, pour des opérations présentant un “prix d’achat raisonnable”, précise l’entourage du candidat. S’il est aujourd’hui difficile d’identifier des offres “raisonnables” à Paris, la promesse reste alléchante.
Coup marketing et effets inflationnistes
Pourtant, les professionnels du secteur interrogés affichent une certaine méfiance, n’hésitant pas à évoquer un “coup marketing”. “Cette mesure pose une nouvelle fois le principe d’intervention d’une collectivité dans les règles de marché, ce à quoi je suis fondamentalement opposé, tempête Jean-Marc Torrollion, le président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM). Elle revêt par ailleurs un fort caractère inflationniste”. Une analyse partagée par Henry Buzy-Cazaux, le président de l'Institut du management des services immobiliers.
“La probabilité pour que le propriétaire cédant récupère une part de la mise en gonflant son prix est très forte”, avertit-il. Un risque qui n’existe pas dans le cas des aides indirectes, comme le prêt à taux zéro (PTZ) : sachant que le propriétaire vendeur ne sait pas si vous êtes éligible au dispositif, le prix n’évolue pas. “Dans le dispositif proposé, avec une solvabilisation des ménages à bon compte, et sur une cible aussi large, les vendeurs vont être tentés de relever les prix, prédit notre expert. Pour moi, ça ne fait aucun doute”.
Que nenni, nous rétorque l’entourage de Benjamin Griveaux. “Ce n’est pas une mesure inflationniste dans la mesure où celle-ci est capée : on se limitera aux transactions inférieures aux prix de marché”. Soit, mais voilà qui promet des calculs complexes… Cela nécessitera-t-il l’établissement d’un observatoire des prix quartier par quartier ? A ce stade, l’entourage de Benjamin Griveaux ne donne plus d’explications.
A la revente, le ménage remboursera l’apport et versera à la foncière une quote-part de la plus-value, relative à l’apport initial et plafonnée à 20%. “Ce qui limitera là-encore l’aspect spéculatif de la mesure”, affirme l’équipe de campagne du candidat marcheur. Un véritable non-sens, selon Christine Fumagalli, présidente du réseau Orpi. “Ce n’est pas en capant les prix au sein du dispositif qu’on aura un impact sur les prix du marché, assène-t-elle. Le dispositif s’attaque au problème de la demande, dont l’inflation est perçue comme la source du problème. Pourtant, la vraie problématique, c’est l’offre ! Il faut donc remettre du foncier sur Paris, ramener du logement vacant sur le marché… Il faut une offre qui réponde à la demande”.
Sur l’offre justement, Benjamin Griveaux prévoit de s’attaquer au problème de vacance des logements. Près de 100.000 logements sont actuellement vides dans la capitale. Le candidat souhaite proposer une offre d’intermédiation locative aux propriétaires les plus frileux. La ville prendrait les logements en location et s’occuperait de les sous-louer à ceux qui en ont le plus besoin. “Comme cela, on couvrira le risque à leur place”, argue ce dernier. Pas sûr que cette deuxième proposition soit mieux accueillie par les professionnels du secteur... »
La mobilité mérite mieux que les gadgets de start-up et autres légendes technologiques (TRIBUNE Le Monde 2019)
« Jean Coldefy, expert en transport énumère, dans une tribune au « Monde », les vraies solutions pour s’attaquer aux déplacements longs réalisés en voiture, qui sont une des causes de l’actuelle crise sociale. »
« Alors que le pays traverse une crise sociale profonde sans précédent depuis 50 ans, les mobilités se retrouvent au cœur des débats. Pas une semaine ne passe sans que les médias ne se fassent l’écho des innovations permises par le numérique, nous promettant des mobilités propres, peu coûteuses, déployées dans des délais records par des acteurs privés qui vont nous dit-on révolutionner la mobilité. Ces solutions nous permettraient de nous passer de notre voiture pour nous déplacer.
Cette fameuse révolution, les Français ne la voient pourtant pas dans leur quotidien. La part de la voiture dans les déplacements est quasi inchangée depuis 20 ans en France, elle représente 80 % des voyageurs-kilomètres, les ¾ des Français prennent toujours leur voiture pour aller travailler, 10 à 20 % des trains du quotidien en heure de pointe ne partent pas à l’heure ou sont supprimés, les bouchons pour accéder aux agglomérations ne font qu’augmenter d’année en année.
Le bilan du covoiturage en Ile de France pendant les grèves SNCF et la subvention d’Ile de France Mobilité de 2 €/voyage est de 2 000 trajets/jour sur un total de 41 000 000 déplacements/jour ! La généralisation de la subvention au covoiturage comme annoncé en Ile-de-France, à hauteur de 150 €/mois, est potentiellement un gouffre pour les fonds publics et donc une impasse. Le bilan national de l’autopartage nous montre que sa clientèle gagne 3 700 € mensuel soit 2 fois le revenu médian, 50 % ont BAC + 5 et utilisent les véhicules pour l’essentiel le week-end sur des distances moyennes de 80 km. L’impact sur la mobilité quotidienne est donc quasi nul.
Les nouvelles mobilités ne concernent que les hypercentres
Le véhicule autonome aura des défis technologiques considérables, son usage (partagé ou privé), les responsabilités juridiques, les équipements routiers nécessaires, son modèle économique sont autant de difficultés à résoudre. Les acteurs de l’écosystème le reconnaissent aujourd’hui enfin après des années de propagandes marketing : la route est longue, très longue pour passer de la promesse à la réalité et plus grand monde ne se risque à annoncer une date de généralisation.
Les nouvelles mobilités s’adressent aujourd’hui essentiellement aux hypercentres - déjà largement pourvues d’alternatives à la voiture - et à des classes de distances faibles. Après les faillites de Gobee. bike et Ofo, Mobike annonce une diminution de ses activités en Europe. Il est probable que les trottinettes connaissent les mêmes difficultés. Uber perd chaque trimestre des sommes colossales et cherche en Europe des partenariats avec les autorités publiques. »
La Région et les communautés de communes doivent s'entendre pour « inventer la mobilité de demain » (Berry Républicain février 2020)
« La Région et les communautés de communes doivent s'entendre pour « inventer la mobilité de demain » Aux « autorités organisatrices » de réfléchir à ce qu’elles veulent améliorer, avant de voir des cas concrets émerger.
Covoiturage, autopartage, navette… Avec la loi Lom présentée à Aubigny-sur-Nère, Région et collectivités territoriales peuvent organiser « plus facilement » la mobilité.
Quelque 25 % des Français ont déjà refusé un emploi faute d’une solution de mobilité, a-t-il été rappelé, ce lundi 3 février, lors de l’étape régionale de la tournée France Mobilités, à Aubigny-sur-Nère.
Les collectivités peuvent prendre la compétence
Une demi-journée sur le thème des territoires peu denses durant laquelle la loi Lom (pour Loi d’orientation des mobilités) « et une cellule régionale d’appui » ont été présentées à des élus locaux et à des acteurs de la mobilité, en présence du préfet de région, Pierre Pouëssel, et du président (PS) de la Région Centre-Val de Loire, François Bonneau.
« Il est fondamental de trouver la bonne articulation entre la responsabilité des Régions et celle des communautés de communes. Il faut qu’on invente la mobilité de demain, avec la même ambition que pour les métropoles », a entamé ce dernier, rappelant qu’il ne s’agissait pas de « tout refaire ».
Car, avec la loi Lom, promulguée le 24 décembre dernier et qui vise, notamment, à « renforcer le rôle de la Région comme chef de file de la mobilité », les collectivités territoriales peuvent choisir d’organiser « des actions de mobilité spécifique » comme le covoiturage ou le transport à la demande, voire prendre la compétence mobilité. À condition que cela soit « en cohérence » avec l’existant, précise Philippe Fournié, vice-président du conseil régional en charge des transports.
En auront-elles les moyens ? « Une collectivité qui prend les compétences pourra lever le versement mobilité, qui est une contribution des entreprises », explique Philippe Fournié.
Aux « autorités organisatrices », désormais, de réfléchir à ce qu’elles veulent améliorer, avant de voir des cas concrets émerger dans le Cher. «
Municipales : Montpellier, dépassée par les enjeux de la mobilité (La Croix janvier 2020)
« Montpellier Méditerranée Métropole est une ville attractive, mais dont la mobilité est étouffée. À l’occasion des élections municipales, voici le premier volet du procès des métropoles : sont-elles des locomotives ou bulldozers pour les villes alentour ?
Mise en accusation
Montpellier, l’engorgée. Matin et soir, les kilomètres de bouchons s’accumulent. Les embouteillages étouffent la ville-centre et les communes du bassin métropolitain. Chaque jour, dans l’Hérault, 75 % des salariés du département utilisent leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail contre 10 % qui utilisent les transports en commun. Sur le banc des accusés, l’attractivité et l’urbanisation sont montrés du doigt, affectant directement la circulation. Devenue septième ville de France, Montpellier doit assumer son nouveau rang et faire face aux enjeux de la mobilité.
Le témoin
« Ma commune, qui fait figure d’entonnoir pour atteindre Montpellier pour tous les habitants des villages de l’ouest, est systématiquement bloquée et l’arrivée du tramway n’arrangera rien : les automobilistes voudront accéder au parking du terminus. » Roger Caizergues est maire de Lavérune, une commune située au cœur de l’une des zones les plus saturées de la métropole. D’ici à 2025, le terminus de la cinquième ligne du tramway atteindra ce village de 3 300 habitants qui en comptait moitié moins au début des années 1980. « Je crains une urbanisation à outrance pour accueillir de nouveaux Héraultais, reprend l’élu. On semble être heureux de cette démographie, mais il y a un manque de réflexion sur le bien-vivre. Nous devons garder des espaces de campagne et proposer des voies à haut niveau de services mêlant bus, pistes cyclables et un accès au tramway mieux ciblé. »
La parole à l’accusation
Alors que l’aire urbaine de Montpellier gagne 9 300 habitants par an, les nouveaux quartiers poussent comme des champignons, sans fluidité de communication. « Depuis les années 1960, l’urbanisation s’est dilatée à l’échelle de la commune, puis de l’intercommunalité et désormais d’Alès (Gard) à Béziers, explique Alexandre Brun, maître de conférences en géographie, urbanisme et aménagement à l’université Paul-Valéry. L’étalement de la métropole s’est fait îlots par îlots et les ZAC se multiplient, les impasses aussi. On fabrique des morceaux de ville séparés par des routes, et non des rues. Ces îlots se retrouvent dos à dos, sans porosité, et s’étendent, aux dépens des campagnes, sur des terres agricoles, et vers la mer, sur des lagunes. »
Cette porosité entre les îlots aurait pu être estompée par une réelle politique en faveur des pistes cyclables. Mais sur ce point, le verdict est sans appel : Montpellier est à la traîne, en queue de peloton de tous les classements. Le vélo est désormais un enjeu des municipales, poussé par les « vélotaffeurs », agacés de prendre chaque jour des risques sur des routes trop souvent dépourvues de pistes cyclables en continu. Autre point de tension pour les habitants : la gare Sud de France, surnommée gare fantôme, a été mise en service en 2018, mais sa jonction avec la ligne de tramway n’interviendra pas avant 2022.
La parole à la défense
Quatre lignes de tramway, une autoroute doublée, des sillons pour les TER libérés… La défense peut s’appuyer sur les nombreux investissements de la métropole, du département et de la région. « Les lignes de tramway ont permis de structurer les déplacements urbains, assure Laurent Chapelon, spécialiste en géographie des transports à l’université de Montpellier 3. L’offre modale s’est étoffée, le réseau est maillé et permet de connecter les grands pôles universitaires. Le covoiturage se développe également. » Inauguré en 2017, le doublement de l’A9 a permis de séparer le trafic vers l’Espagne de la circulation urbaine. « Même si la saturation aux sorties vers Montpellier demeure », nuance le chercheur.
Contrairement à d’autres régions françaises, le réseau des TER, lui, n’est pas ficelé en étoile autour de Montpellier mais irrigue la région. « Alors que l’État a privilégié le développement des TGV, transférant la compétence TER aux régions sans leur en donner les moyens, nous avons développé des lignes », plaide Jean-Luc Gibelin, conseiller régional en charge des mobilités. Inauguré en 2017, le contournement Nîmes-Montpellier a permis de libérer des sillons afin d’augmenter la cadence des TER. »
Pourquoi il faut concilier les enjeux environnementaux et de mobilité urbaine à Paris (La Tribune janvier 2020)
« C'est l'une des propositions récurrentes de ceux qui souhaitent voir Paris se réinventer en profondeur : la déconstruction et la transformation totale du périphérique.
Pour Paris, les prochaines échéances sont importantes : les JO de 2024 approchent, les citadins les plus directement concernés se sentent étouffés tandis que la capitale française creuse son retard sur des problématiques de mobilité urbaine en constante évolution. Des solutions existent, et ont fait leurs preuves dans d'autres grandes villes. Par Olivier Koch, managing director France & Suisse, Park now.
La France n'est pas la meilleure élève concernant sa gestion des questions environnementales. Pour preuve, fin octobre, elle a été condamnée par l'UE pour dépassement « systématique » du seuil de dioxyde d'azote depuis 2010.
Concernant les mobilités urbaines, la France, à travers sa capitale, ne brille pas non plus : le classement effectué par le Centre d'études des transports de Berkeley et le cabinet Oliver Wyman « Urban Mobility Readiness Index », dévoilé le 27 novembre dernier, place la ville de Paris seulement en 15e position des villes qui développent le mieux les nouvelles mobilités urbaines. En tête de classement, des capitales comme Singapour, Londres ou encore Amsterdam qui innovent depuis longtemps pour se préparer aux enjeux logistiques et environnementaux de la mobilité du futur.
Pour Paris, les prochaines échéances sont importantes : les JO de 2024 approchent, les citadins les plus directement concernés se sentent étouffés tandis que la capitale française creuse son retard sur des problématiques de mobilité urbaine en constante évolution.
Le péage urbain « intelligent » : et pourquoi pas la ville lumière ?
À l'approche des élections municipales de mars prochain, les avis divergent entre les pro et anti-péages urbains. Ce système, plutôt intelligent, permet à l'aide de caméras de surveillance installées dans des zones spécifiques, de scanner les véhicules qui entrent dans les zones concernées par le péage pour vérifier que les conducteurs ont bien payé leur contribution (journalière ou par abonnement).
Mis en place en 2011 à Milan, les bénéfices sont stupéfiants. La ville est passée de 131.000 voitures circulant chaque jour dans l'hypercentre en 2011, à 88.000 en 2019. Surtout, il est rapporté que les particules fines ont diminué de 18% en 7 ans grâce à ce péage.
Il n'est pas difficile d'imaginer un système similaire pour Paris. Ce sont d'ailleurs des recommandations mises en avant par l'antenne parisienne de la CPME, le syndicat des TPE/PME, dans un livre blanc détaillant des propositions pour les élections municipales de 2020, avec l'idée d'un « péage diurne (8h-20h) autour de Paris avec une tarification différenciée suivant la taille du véhicule et son émission de CO2 », sans pour autant appliquer les mêmes contraintes aux personnes à mobilité réduite, les professionnels du transport et les véhicules de chantier.
Impossible au vu du trafic important de Paris et sa région ? L'enquête globale des transports (EGT), menée par la région Île-de-France Mobilités (IDFM) en novembre 2019, pointe cependant que les déplacements en voiture ont baissé de 5% en huit ans dans la région francilienne. Les incitations mises en place par les pouvoirs publics semblent donc porter leurs fruits, dont la loi MAPTAM (*) qui a permis une baisse du trafic et l'augmentation de la rotation, résultant sur une meilleure fluidification de la circulation. Néanmoins, Il est nécessaire d'aller plus loin, notamment en mettant en place ce péage urbain qui aiderait à financer de nouveaux transports en commun, sans faire appel à de l'argent public.
Et en effet, étant donné l'urgence climatique, cette mesure permettrait de réduire le trafic, sans pour autant porter préjudice aux professionnels aux besoins de mobilité spécifiques.
Changer de paradigme
Plusieurs villes de France font aujourd'hui appel à des sociétés privées pour désengorger les routes. Il s'agit bien souvent de nouveaux services de mobilité, permettant à ces villes de concentrer leurs efforts sur la transformation et la modernisation de leurs infrastructures urbaines.
D'autres grandes villes françaises sont quant à elles plus radicales sur le traitement fait aux automobiles. Lyon, par exemple, interdit entre 11 heures et 20 heures les voitures dans l'hypercentre. Idem pour Nantes, qui depuis presque 10 ans, a quasiment banni la voiture de son hypercentre, en mettant en place des alternatives comme des transports en communs sur la Loire, le soutien aux micro-mobilités et des espaces dédiés au parking en dehors des zones semi-piétonnes.
C'est également l'une des propositions récurrentes de ceux qui souhaitent voir Paris se réinventer en profondeur : la déconstruction et la transformation totale du périphérique parisien. Les défenseurs de cette ligne assez radicale proposent ensuite de construire de nouveaux habitats écologiques, des zones liées au développement durable et des places de parking à l'entrée de Paris. Cela permettrait de développer les transports en commun et d'orienter le trafic routier en milieu urbain autour de nouveaux axes : moins d’ « autosolisme », plus de mobilité partagée et surtout, des solutions favorisant l'utilisation de la voiture pour les riverains et les professionnels. Ces solutions sont de moins en moins considérées comme utopiques et font partie de pistes de réflexion qui s'inscrivent dans une vision plus progressiste autour de l'urbanisme citadin.
Vers plus d'alternatives pour décongestionner Paris durablement
Il est important de changer Paris, le libérer de ce bourdonnement incessant et de replacer la voiture dans un contexte favorable aux voyages professionnels et aux habitants de la ville, notamment grâce à l'arrivée des voitures connectées qui permettront de mieux gérer les temps de trajets.
Sachant que plus de 5,5 millions de déplacements professionnels ont lieu chaque jour en Île-de-France (**), toutes les solutions n'ont pas encore été trouvées pour les réduire et mieux les réguler.
Des alternatives existent, notamment l'autopartage ou le covoiturage qui ont contribué à faire baisser l’ « autosolisme » de plus de 5% ces dernières années. Lorsque l'on sait qu'une voiture en autopartage peut remplacer 5 à 8 voitures individuelles (***), il est important de plébisciter ces solutions. Le développement du parking intelligent, en partenariat avec les constructeurs automobiles au sein des voitures connectées du futur, représente aussi une priorité. L'exécutif réfléchit d'ailleurs à de nouvelles dispositions et tiendra au printemps prochain des « États généraux du stationnement ».
Il est indéniable que les politiques visant à réduire l'usage des voitures dans les centres-villes vont s'accélérer dans la décennie 2020. Cependant, imaginer que la voiture va disparaître semble illusoire, puisque le parc automobile français progresse d'année en année. En 2018, le nombre de véhicules particuliers, utilitaires et d'autocars et autobus se chiffrait à plus de 39 millions (****) sur l'ensemble du territoire. Ces chiffres sont amenés à croître encore. Néanmoins, la situation actuelle impose à présent aux décideurs de trouver des solutions qui soutiennent à la fois l'industrie automobile tout en préservant l'environnement et le « bon vivre » d'une ville comme Paris.
(*) Loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
(**) Source : Livre Blanc Kapten Business « La micro-mobilité : nouvel enjeu des déplacements professionnels »
(***) Enquête nationale sur l'autopartage, effectuée par 6t-bureau et datant de décembre 2019
(****) Données provenant du Comité des constructeurs français d'automobiles, au 1er janvier 2018
À quoi ressembleront les transports publics franciliens de demain ? (La Tribune 2019)
« L'ouverture à la concurrence des transports publics franciliens devrait contraindre les acteurs historiques et les futurs entrants à offrir de meilleures prestations qu'aujourd'hui.
Plus confortables, plus utiles, plus connectés, plus écologiques... Les transports publics, saturés aujourd'hui, devraient fortement évoluer ces prochaines années. D'autant plus que le marché sera bientôt libéralisé.
C'est une véritable révolution que s'apprêtent à vivre les transports publics franciliens à partir de 2023 : l'ouverture progressive à la concurrence. D'abord, les lignes du Transilien, puis les lignes du Grand Paris Express, les RER et, finalement, le métro parisien en 2039. Un big bang auquel se préparent déjà tous les acteurs du marché. Aux enjeux primordiaux.
« L'avenir de la mobilité passe par le transport de masse, rappelle Laurent Probst, directeur général d'Île-de-France Mobilités (IDFM, ex-STIF). On aura toujours besoin de métros et de trains pour réaliser près de 10 millions de déplacements par jour. »
Quel que soit(en)t le ou les opérateurs d'après-demain, l'autorité organisatrice des transports dans la région a déjà mis 10 milliards d'euros sur la table pour les métros et RER de « nouvelle génération ». Ces derniers seront plus spacieux pour faciliter la montée et la descente des passagers. Plus lumineux aussi, mieux climatisés et équipés de ports USB. L'ouverture à la concurrence des transports publics franciliens (voir encadré ci-bas) devrait contraindre en effet les acteurs historiques et les futurs entrants à offrir de meilleures prestations qu’aujourd’hui. »
La révolution des mobilités, l'enjeu de l'espace urbain de demain (La Tribune 2020)
« La révolution numérique offre de nouveaux outils aux collectivités publiques pour orienter les politiques de déplacements en bonne adéquation avec les enjeux environnementaux et de développement durable. Par Pascal Auzannet, auteur des "Secrets du Grand Paris-Zoom sur un processus de décision publique" (Editions Hermann, 2018).
L'idée dominante de l'après-guerre d'adapter la ville à l'automobile avec pour corollaire la croissance des villes en largeur est désormais révolue. Aujourd'hui, en regard notamment des mobilités et leurs impacts, l'idée progresse qu'il vaut mieux travailler à sa hauteur et augmenter sa densité humaine et urbaine.
Il y a aussi la recherche d'une ville plus apaisée, plus conviviale et plus participative. Pour ces raisons, la gestion de l'espace urbain est un enjeu majeur. Particulièrement celui dédié au transport. Considérant que pour un même espace, la capacité des différents modes de transport est très différente, les collectivités publiques doivent privilégier les plus pertinents.
Pour la voirie en milieu urbain, la capacité maximale de trafic varie selon les caractéristiques de son environnement : stationnement, vie riveraine importante ou non, largeur de la voie. Et du taux d'occupation des véhicules, particulièrement faibles en milieu urbain (de l'ordre de 1,1 passager).
Les déplacements dans les villes inférieurs à 2 voire 3 km
Ainsi, la largeur de la voirie nécessaire pour absorber un trafic automobile équivalent à celui de la ligne 14 du métro parisien qui constitue la colonne vertébrale du Grand Paris - soit une capacité horaire maximum de 40 000 voyageurs par sens - se situe entre 100 à 150 mètres ! Avec le bruit et la pollution en plus.
Donc, une forte invitation à expertiser les économies d'espace possible avec les modes alternatifs. Le tramway a une capacité 8 fois supérieure à celle d'une voie de circulation routière. Dans de moindres proportions, l'avantage du bus est également démontré avec un rapport de 1 à 2.
La comparaison avec le vélo et les trottinettes est également à l'avantage de ces derniers. Pour le vélo, le débit maximum par mètre de largeur de voirie est 4 à 5 fois supérieur à la voiture. Cet éclairage vaut également pour la marche à pieds (débit 8 fois supérieur), par ailleurs excellente pour la santé.
Voilà pourquoi, pour les déplacements de courte distance généralement constatés dans nos villes - inférieur à deux voire trois kilomètres - le recours aux modes doux mérite d'être encouragés. Fortement.
Le péage urbain constitue un outil de régulation
Dans ces conditions, compte tenu de son coût élevé, réguler l'utilisation de l'espace est un enjeu majeur dans l'élaboration d'une politique de déplacement. D'autant plus que les travaux de prospective prévoient un développement des villes et une croissance de leur population dans un espace contraint. D'où l'intérêt d'anticiper les objectifs d'augmentation de la densité urbaine. Comment faire et avec quels outils ?
Le péage urbain constitue un outil de régulation, utilisé dans différentes agglomérations dans le monde. Il s'agit de taxer l'automobiliste et l'inciter à utiliser des alternatives de transport. Les financements ainsi récupérés peuvent ensuite être affectés aux développements des transports collectifs.
Les exemples de Stockholm, Milan et Londres sont souvent présentés avec des résultats significatifs : une baisse du trafic automobile de l'ordre de 20 à 30 % avec une baisse de la pollution. Singapour est allée encore plus loin avec la création d'une licence de circulation payante. Sans licence, il est impossible de circuler.
En France, ce type de mesure a souvent été envisagé mais jamais appliqué à cause de son coût politique. Le gouvernement a renoncé à l'inscrire dans la Loi d'orientation des mobilités (LOM) suite à la colère des « gilets jaunes ».
Créer des espaces urbains pour chaque mode
La question posée est alors la suivante : comment favoriser la meilleure utilisation de l'espace urbain. Et donc utiliser toute la palette des modes : voiture, covoiturage, bus, tramway, métro, vélo, trottinette...et la marche à pieds. En considérant pour chacun d'eux leur pertinence selon l'heure de la journée et la zone géographique.
Tout d'abord, évidemment, il faut créer des espaces urbains dédiés pour chaque mode. Donc éviter toute coexistence qui n'a jamais été pacifique. Et sanctionner si nécessaire. Utiliser les opportunités et les comportements des habitants vers l'économie du partage des modes (vélos en libre-service, covoiturage...).
Pour l'organisation des mobilités, la révolution du numérique offre des potentialités considérables et au final peu couteuse au regard des enjeux. Sans les applications numériques, le free floating n'aurait pas été possible, et d'une façon générale l'ubérisation, permise grâce au haut débit, l'internet mobile, le développement des Smartphone et la géolocalisation ouvrent de nouveaux horizons. Que s'approprient de nombreuse start-up.
Des algorithmes d'intérêt général
En France, l'idée de mutualiser les applications progresse et les débats autour de la LOM et l'ouverture des données ont permis d'apporter un éclairage nouveau sur cette potentialité. Nouveau pour nous, mais pas pour les finlandais qui bénéficient depuis 2017 d'un nouveau graal : le MaaS (Mobility as à service).
Depuis, plusieurs d'agglomérations se sont lancées dans l'aventure. Notamment Mulhouse, Lyon, Annemasse, Rouen, Grenoble, Dijon, Aix-Marseille, Angers...Et bientôt l'Île-de-France. Des choix politiques d'importance sont attendus et très souhaitables en vue d'une régulation publique. Il s'agit d'un élément clé. Fondamental.
C'est aussi - et surtout - l'opportunité de sortir des offres organisées en silos et de préconiser un déplacement multimodal : voiture + métro, puis vélo... en intégrant l'ensemble des critères participants à l'optimum pour la collectivité. La régulation est alors basée sur des algorithmes qui prennent en considération les coûts privés, les couts publics et les temps passés dans les déplacements. Des algorithmes d'intérêt général.
Ainsi, selon l'heure de la journée, les options les plus pertinentes seront proposées. Par exemple : la voiture particulière aux heures creuses, les transports collectifs en heures de pointe et en centre urbain, le vélo ou la trottinette pour un déplacement court... Afin de favoriser le choix des utilisateurs, la tarification peut être incitative et différenciée.
Un bel enjeu pour les municipales
Concrètement, avec un forfait mensuel ou annuel permettant d'utiliser la panoplie sélectionnée par l'autorité organisatrice, l'utilisateur pourra bénéficier de réductions lorsqu'il privilégie ses déplacements en dehors des heures de pointe, les modes de transport économes en consommation d'espace urbain et à faible impacts environnementaux.
Bref, un Maas avec une intégration active et qui serait régulateur de l'espace urbain. L'idée est clairement de donner aux autorités organisatrices la possibilité d'orienter la demande vers les modes les plus efficaces. Evidemment, seul le secteur public peut s'inscrire dans une telle démarche. Pas tout à fait le modèle économique des GAFA.
De façon incontestable, le MaaS, en permettant un changement de paradigme, a un bel avenir devant lui. Et l'innovation n'a pas fini d'investir le secteur des transports dans toutes ses dimensions. Avec toujours plus de multi modalité. C'est aussi un bel enjeu pour les prochaines élections municipales. »
Quelles mobilités après la LOM ? (La Tribune 2020)
« Pensée comme une « boîte à outils », la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), récemment adoptée, a pour objectif de favoriser l’émergence de nouvelles solutions de mobilités.
Forfait pour soutenir les déplacements domicile-travail en vélo ou en covoiturage, fin de la vente de véhicules thermiques, création d'autorités organisatrices de la mobilité, ouverture des données... La loi d'orientation des mobilités (LOM), dont le texte a définitivement été adopté par l'Assemblée nationale le 19 novembre 2019 au terme d'un parcours législatif qui aura duré plus d'un an, entend améliorer les déplacements quotidiens tout en les verdissant. Parmi les objectifs : sortir de la dépendance à la voiture, accélérer la révolution des nouvelles mobilités, réussir la transition écologique et investir dans les infrastructures.
Pensée comme une « boîte à outils », la LOM donne notamment de nouveaux pouvoirs aux collectivités locales. Elles pourront par exemple organiser des services comme l'auto-partage et réglementer les modes de déplacement en libre-service. « Ce qui est intéressant, c'est la possibilité pour les élus locaux de se saisir, positivement, d'un certain nombre de dossiers, dans le cadre d'une vision politique qui intégrera des questions tarifaires, d'équité sociale et de péréquation, ainsi que d'environnement », estime ainsi Anne-Marie Idrac, haute représentante pour le développement des véhicules autonomes, intervenue lors d'un débat sur l'après-LOM organisé par La Tribune au Forum Paris City Life.
Trouver des modèles économiques rentables
L'un des enjeux des nouvelles mobilités sera de trouver des modèles économiques qui associent collectivités locales et partenaires privés.
« Pour l'heure, certains modèles de nouvelles mobilités impliquent des pertes pour les entreprises, qui compenseront sur un autre segment de marché, ou une charge supplémentaire pour le contribuable », poursuit Anne-Marie Idrac.
Pas tout à fait satisfaisant... En conséquence, « j'encourage fortement les acteurs à travailler avec les collectivités locales pour faire émerger des modèles économiquement rentables tout en respectant un certain nombre d'enjeux, notamment de péréquation », insiste-t-elle.
Une perspective d'échanges dont se réjouit l'opérateur de micromobilités électriques et partagées B Mobility. « La LOM va nous permettre d'avoir une certaine proximité avec les services des villes comme nous l'avons déjà aux États-Unis, où nous avons par exemple participé à l'élaboration de la construction de pistes cyclables », déclare Benjamin Honnorat, directeur en charge de partenariats de B Mobility, filiale française d'une startup américaine parrainée par Usain Bolt.
Est-il possible pour un opérateur de gagner de l'argent de façon pérenne sans être subventionné ? Benjamin Honnorat l'espère. « Le premier modèle de trottinette que nous avons déployé avait une durée de vie de sept à huit mois, bien plus que la concurrence. Et le nouveau modèle que nous déploierons pourra durer jusqu'à deux ans. Si nous pouvons amortir nos trottinettes et demain nos vélos et nos voitures sur un temps aussi long, nous pouvons opérer de manière plus sereine », assure le responsable de cette jeune pousse qui fabrique elle-même ses engins électriques, et mise également sur les économies d'échelle, une fois toute la gamme déployée.
Un cadre pour le covoiturage
Plus généralement pour Anne-Marie Idrac, ancienne secrétaire d'État aux Transports, toute la difficulté sera de réussir à trouver un modèle intermédiaire entre le transport collectif et la voiture, tant sur le plan économique - le transport en commun étant payé aux deux tiers par le contribuable tandis que la voiture l'est individuellement - qu'en matière de proposition de service. De fait, « le sujet majeur est de réduire la place de la voiture. Comment ? En luttant contre l'auto-solisme et en mettant quatre personnes en moyenne dans une voiture au lieu d'une. Est-ce qu'on décide que voyager en voiture est une activité qui doit être subventionnée ? Peut-être... », avance-t-elle.
Le sujet sera pris en compte par les collectivités locales qui, même si certaines l'expérimentaient déjà, ont désormais un cadre pour subventionner les trajets de covoiturage sur leur territoire et réserver des parkings ou des voies de circulation au covoiturage.
Voiture autonome partagée : préparer les infrastructures
S'il faut dynamiser la mobilité quotidienne en améliorant les infrastructures de transports collectifs, une autre question fondamentale se pose : celle de « massifier l'occupation de la voiture », relève Jincheng Ni, économiste, chef de projet chez France Stratégie. Mais pas n'importe laquelle.
« À l'avenir, pour faire face aux enjeux environnementaux, ces nouvelles mobilités concerneront l'utilisation de la voiture électrifiée, autonome et partagée. »
Et pour pouvoir la déployer, « il faut que la France soit en mesure de mettre en place toutes les infrastructures nécessaires pour ces voitures autonomes ainsi que des technologies telles que la 5G, la géolocalisation de haute précision et la cartographie de haute précision », souligne cet expert.
L'ouverture des données, étape clé avant le MaaS
Autre mesure phare de la LOM, l'ouverture des données de transport sur tout le territoire national d'ici fin 2021. Une étape clé avant l'avènement du MaaS (Mobility as à Service), ces applications qui combinent différents modes de transport pour voyager aisément d'un point à un autre. Pour Jean-Marc Zulesi, député des Bouches-du-Rhône et co-fondateur de France Mobilité, l'enjeu est « d'accompagner les collectivités dans la valorisation des données. Cette capacité est essentielle ».
« Les données sont une chance de plus pour les collectivités locales de pouvoir organiser les parcours et les réglementer », confirme en effet Anne-Marie Idrac. Reste qu’ « une application n'évitera pas à la collectivité l'effort de tout le travail de péréquation. Les données et les outils ne sont que des ingrédients pour mener des politiques », a-t-elle rappelé.
Nécessité d'une stratégie européenne
Enfin, les questions de la mobilité de demain dépasseront les frontières. Et en matière de micromobilité, B Mobility appelle à une stratégie européenne.
« Nous aimerions avoir, en Europe, la même qualité d'échanges qu'avec les décideurs locaux en France, précise-t-il, afin de créer une continuité de services pour tous nos utilisateurs et proposer le même modèle partout en Europe », précise Benjamin Honnorat.
Même chose pour les batteries... « Il faut une stratégie européenne dans ce domaine, lance ainsi Jean-Marc Zulesi. C'est une question de souveraineté ! ».
Pour un urbanisme de ressources : Paris, l’Yonne et le Nouveau Régime Climatique (Marion Waller Linkedin)
« Les partenariats entre métropoles et territoires ruraux, comme entre Paris et l’Yonne, ouvrent la voie à un urbanisme centré sur les ressources et redéfinissent les territoires autour de communs tels que l’eau, la nourriture, l’énergie, les matériaux de construction. Dans le Nouveau Régime Climatique, ces coopérations sont cruciales et créent les possibilités d’une écologie concrète et ancrée dans le quotidien. Cette renaissance de « biorégions » pose la question fondamentale du choix entre écologie conservatrice et écologie sociale.
« Chacun d’entre nous commence à sentir le sol se dérober sous ses pieds […] nous sommes tous en migration vers des territoires à redécouvrir et à réoccuper » : dans Où atterrir [1], Bruno Latour nous invite à redéfinir nos territoires en établissant des « cahiers de doléances » de ce dont on dépend. En nous reliant ainsi aux autres et à ce à quoi nous tenons, nous posons les bases d’une nouvelle organisation politique et d’une nouvelle géographie.
Ce redécoupage territorial et philosophique influence nécessairement la pratique de l’urbanisme. Souvent cantonné aux questions de bâtiments, de construction, de densité ou de fonctions, l’urbanisme est tout autant une science des ressources et doit répondre aux questions suivantes : quelle est l’influence de telle ressource consommée dans un territoire sur le paysage ou l’économie d’un autre territoire ? Quelles dépendances faut-il renforcer ou éviter ?
Ce lundi 3 février, le Conseil de Paris a voté à l’unanimité un partenariat entre Paris et l’Yonne pour faire naître ou renaître des coopérations autour de l’alimentation, du tourisme, de l’achat de bois. Surtout évoqué dans la presse de l’Yonne, ce partenariat ouvre des perspectives importantes de redéfinition des liens entre urbain et rural, de « territoires de ressources ».
L’Yonne était l’un des territoires historiques d’approvisionnement de Paris : en matière de bois, de viande, de céréales, de pierre de taille, de nombreuses ressources icaunaises arrivaient à la capitale, l’acheminement étant facilité par la continuité du fleuve (l’Yonne et la Seine sont un seul et même cours d’eau).
Comme partout, ces échanges ont peu à peu été remplacés par des circuits mondialisés et standardisés, rendant chaque citadin incapable de dire la provenance de ses produits du quotidien et de connaître ainsi ses dépendances.
L’urbanisme peut se saisir d’une manière renouvelée de la question des flux et s’assurer que différents territoires tirent un avantage à leurs échanges. Pour un même bâtiment, on peut abîmer un écosystème à l’autre bout de la planète en extrayant des ressources non renouvelables (telles que le sable), ou bien on peut tenter de bâtir des filières vertueuses de matériaux locaux à base de bois, pierre de taille ou terre. La même question se pose pour l’alimentation dont il est inutile de rappeler les ravages de l’agriculture intensive et de la monoculture. Chaque ressource consommée en métropole relève d’un choix politique qu’on ne peut plus ignorer. Cantonner l’urbanisme aux zones urbaines est une aporie : la métropole doit fonctionner à l’échelle d’un écosystème, d’un bassin de ressources permettant des allers-retours vertueux.
Les métropoles dans le « Nouveau Régime Climatique »
Cette nouvelle vision territoriale est le prolongement logique des réflexions proposées par Bruno Latour dans Où atterrir ? : le philosophe y décrit un « Nouveau Régime Climatique » défini par la dérégulation, l’explosion des inégalités et la négation par certains de l’existence de la mutation climatique. La conséquence de ces facteurs est le rapport instable au sol qui devient, selon l’auteur, la nouvelle universalité : nous sommes tous forcés de redéfinir notre territoire et les communs qui nous unissent aux autres. Le territoire, plutôt que défini par des frontières institutionnelles ou politiques, devient centré autour de la question de la subsistance : « A quoi tenez-vous le plus ? Avec qui pouvez-vous vivre ? Qui dépend de vous pour sa subsistance ? ». C’est seulement en se posant la question de ces liens que nous pourrons « découvrir en commun quel territoire est habitable et avec qui le partager ».
Penser le territoire de ressources permet de sortir de la vision d’une métropole « hors sol » qui a longtemps prévalu. En effet, les études urbaines se sont trop souvent cantonnées aux phénomènes se déroulant à l’intérieur des frontières de la ville, sans se préoccuper de l’origine de ce qui fait vivre cette grande machine. Penser une métropole sans réfléchir à la source de l’eau, des aliments, de l’énergie, des matériaux de construction n’a aucun sens. De la même manière qu’il est absurde de penser la métropole comme un univers minéral, où rien ne doit pousser ou fleurir en dehors des parcs : chaque métropole s’inscrit dans un écosystème plus large dont elle ne peut s’extraire.
La renaissance des partenariats de ressources
Le partenariat entre Paris et l’Yonne ouvre des perspectives intéressantes en ce qu’il esquisse ce que pourrait être une coopération vertueuse entre une métropole et un territoire rural de proximité. Le bassin parisien en a bien besoin quand on sait son autosuffisance alimentaire qui est réduite à quelques jours et les menaces qui pèsent sur nombre de terres agricoles à cause de l’étalement urbain et du refus de densité dans certains territoires centraux.
La renaissance de circuits permettant de connaître la provenance des produits et les territoires dont ils sont issus est également importante pour avoir un rapport à un environnement de référence : connaître et pouvoir aller souvent dans un territoire rural permet de comprendre les changements climatiques et paysagers qui s’opèrent. Une nécessité alors que nous souffrons tous du « shifting baseline syndrom » : notre environnement de référence (celui de notre enfance par exemple) est déjà un environnement dégradé. Pour se projeter dans des environnements futurs et esquisser des récits écologiques positifs, il est nécessaire de multiplier les interactions entre territoires.
Aujourd’hui, les objectifs de transition écologique (tels que la neutralité carbone fixée pour Paris à horizon 2050) imposent aux territoires urbains comme ruraux d’investir massivement dans les circuits courts. Prendre conscience de ses dépendances est un passage obligé tant à l’échelle individuelle que territoriale et doit redevenir l’un des travaux de base de l’urbanisme.
Face à ce défi, les métropoles ne peuvent pas être simples spectatrices et consommatrices : elles doivent investir directement dans des filières de ressources et nouer des partenariats avec d’autres territoires. C’est pourquoi ce pas engagé par Paris et l’Yonne est important, comme le sont d’autres projets tels que la coopérative AgriParis proposée par la plateforme Paris en Commun [2] pour structurer des filières d’alimentation biologique aux côtés des agriculteurs et leur assurer une commande jusqu’aux assiettes parisiennes ; ou encore les coopératives énergétiques.
Le retour des biorégions
Ces projets rejoignent l’idée de « biorégion », un concept qui revient aujourd’hui au cœur du débat en philosophie environnementale et qui a connu une actualité importante aux Etats-Unis dans les années 1970, incarné dans de nombreuses communautés. Le mouvement biorégionaliste s’appuie sur l’idée qu’il faut organiser le monde autour de territoires de vivants (correspondant souvent aux bassins-versant) plutôt qu’autour de paramètres économiques universels. Les biorégions permettent de se reconnecter à un territoire de ressources pertinent et ainsi de repenser les interactions nature/culture et urbain/rural. Ce mouvement se fonde également sur le principe qu’ « il ne saurait y avoir de comportement écologique universel unique »[3] mais seulement des écologies fondées sur des territoires particuliers et leurs synergies. C’est de cette manière que pourront s’installer des comportements écologiques durables. C’est aussi pour cela qu’il ne peut y avoir un seul type d’architecture écologique, comme le laissent parfois croire des labels ou des calculs savants. L’architecture écologique s’appuie sur les matériaux disponibles à proximité, comme l’alimentation écologique se fonde d’abord sur les aliments disponibles dans le bassin-versant. Cette nouvelle écologie définit également une esthétique particulière, qui empêche la standardisation.
Le philosophe et architecte Mathias Rollot résume ainsi cette pensée : « l’hypothèse biorégionale est donc l’affirmation qu’en un endroit particulier de la biosphère se tiennent, tendanciellement parlant, des synergies écosystémiques particulières, et que c’est par rapport à elles qu’il faut penser les stratégies d’habitation et d’installations humaines : ainsi, elles s’implanteront et s’achèveront de manière durable, puisqu’étant adaptées à leur contexte d’accueil » [4].
Des partenariats comme celui entre Paris et l’Yonne offrent également une approche concrète qui nous permet d’ « intérioriser » l’écologie. En effet, malgré les prises de conscience théoriques de l’urgence écologique, nous sommes toujours confrontés aux difficultés d’en faire une priorité pour chacun et de la placer au même rang éthique que d’autres notions. Se recentrer sur la notion de « nourritures » telle qu’elle est définie par la philosophie Corinne Pelluchon [5] ouvre une voie intéressante. Pour elle, le fait de partir de ce que nous ingérons, respirons, buvons, permet de faire passer l’écologie de préoccupation périphérique à une vraie philosophie de l’existence. En s’appuyant sur le « vivre de », nous comprenons pourquoi l’écologie est centrale et nous conditionne. Or, pour nous rapprocher de ces « nourritures », nous devons savoir d’où elles viennent et comment elles sont produites. C’est pourquoi les circuits de proximité sont nécessaires. En intériorisant le territoire de subsistance, chacun peut comprendre de quoi il/elle dépend et ainsi le chérir. Les « nourritures » peuvent ainsi devenir le fondement d’une vraie éthique écologique du quotidien.
La biorégion : ouverture ou repli ?
Le développement des biorégions peut s’accompagner de différentes stratégies politiques bien décrites par Bruno Latour, et d’une tentation conservatrice. Si nous sentons tous le sol se dérober sous nos pieds, il en est pour qui cela relève de la réalité et non seulement de la menace. La redéfinition du territoire peut être interprétée par certains comme opportunité de repli, de recroquevillement autour de racines fantasmées : c’est ce que Bruno Latour appelle le « local-moins ». Les partisans de ce local-moins considèrent ainsi que la biorégion est la voie de l’autosuffisance et de la fermeture du territoire, ne pouvant accueillir de nouvelles personnes.
Latour estime, lui, au contraire, que l’un des principaux buts de la redéfinition des territoires est de répondre à l’enjeu suivant : « comment organiser une vie collective autour de ce formidable défi d’accompagner dans la recherche d’un sol durable des millions d’étrangers ? ». C’est là l’une des batailles déjà en cours dans l’écologie : se ré-attacher à un sol tout en ouvrant notre territoire ; et ce qui distinguera l’écologie conservatrice de l’écologie sociale. Le « local-plus » consistera à redéfinir nos territoires de ressources tout autant qu’à rendre ce sol habitable pour d’autres : c’est seulement de cette manière que de vrais « communs » s’établiront.
En ce qui concerne Paris, la liste des partenariats de communs à faire naître est longue. Ils concerneront l’eau, l’air, la nourriture, l’énergie, les matériaux de construction, mais aussi la restauration écologique : la métropole a une responsabilité non seulement dans l’achat de ressources, mais également dans la « réparation » de territoires abîmés dans le passé par l’extraction de ressources. On verra alors se multiplier des projets
financés par les métropoles visant à rétablir des écosystèmes ruraux, faisant ainsi renaître des possibilités aussi bien pour les populations locales que pour les citadins. Dans ces nouveaux territoires de ressources, l’urbanisme devient une pratique de ré-habitation et de reconstruction écologique : rendre à nouveaux habitables des écosystèmes endommagés, protéger la biodiversité et permettre à chacun de s’y enraciner. »
[1] Bruno LATOUR, Où atterrir, La Découverte 2017
[2] https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/28/nous-pouvons-faire-de-paris-une-capitale-agricole_6017209_3232.html
[3] Mathias ROLLOT, Les Territoires du vivant. Un manifeste biorégionaliste, Editions François Bourin, 2018
[4] ibid
[5] Corine PELLUCHON, Les Nourritures : Philosophie du corps politique, Seuil 2015